L’ère du bling, Printemps-été 2018
EAN13
9782897593544
Éditeur
Atelier 10
Date de publication
Collection
Nouveau Projet
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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L’ère du bling

Printemps-été 2018

Atelier 10

Nouveau Projet

Livre numérique

  • L’ère du bling

    Aide EAN13 : 9782897593544
    • Fichier PDF, avec Marquage en filigrane
    2.49
J’ai un faible pour la section du journal qui me concerne pourtant le moins:
celle où, comme s’il était tout naturel de s’en préoccuper, on présente une
maison à vendre pour quelques millions de dollars. Les propriétaires ne sont
jamais décrits comme appartenant à l’élite, plutôt comme de braves gens qui,
lorsqu’ils ont acheté la demeure dix ans plus tôt, cherchaient un peu plus
d’espace pour la cadette ou pour leur collection de tableaux. S’ils vendent ce
petit coin de paradis après avoir investi 400 000 $ en rénovations diverses,
c’est parce qu’ils ont désormais d’autres besoins pour occuper leur temps
libre—une passion pour le jardinage qui exige un terrain deux fois plus grand,
ce genre. Je lis toutes ces chroniques et me demande chaque fois: à qui diable
s’adresse-t-on? Les riches ont certainement d’autres réseaux immobiliers que
ceux des lecteurs du journal. On me vend du rêve en négligeant soigneusement
d’évoquer ce qui sépare la moyenne des ours d’un manoir à Westmount. Ce
voyeurisme qu’on pense anodin—quelle différence avec les maisons trop
parfaites des magazines de décoration?—a depuis longtemps débordé des seules
annonces immobilières. La presse multiplie les reportages glamour comme celui
publié par Paris Match en 2016: Melania Trump se laissait photographier dans
toutes les pièces de son penthouse new-yorkais où abondent feuilles d’or,
statues en marbre et peintures de scènes mythologiques calquées sur
l’esthétique du 17e siècle. L’opulence de ce monde 24 carats éclipsait
totalement le scandale de la candidature présidentielle de son mari, les
inégalités sociales et les scissions politiques. À première vue, les portraits
de Lauren Greenfield s’inscrivent dans ce courant. Maisons superlatives,
salons baroques, voitures rutilantes, piscines débordant de corps aussi
nonchalants que refaits, petits chiens et tapisseries, sacs à main dorés: tous
les ingrédients semblent communs. Toutefois, la démarche de la photographe et
réalisatrice américaine est bel et bien critique. Depuis les années 1990,
Greenfield documente la vie des gens riches et célèbres en les présentant dans
leur environnement naturel (c’est-à-dire entourés de biens luxueux). Publié en
2017, le volumineux Generation Wealth rassemble les clichés les plus marquants
de ses 25 années de carrière. En le feuilletant, on accède à l’intimité de
femmes d’affaires, de banquiers ou d’actrices tout en se confrontant à son
propre rapport à l’argent. Le recueil insiste sur l’accroissement vertigineux
de la consommation à l’échelle planétaire, même après la crise de 2008.
L’exhibition de richesses tout comme l’exposition à ces images bling porn font
désormais partie de notre quotidien.
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