La toile d’araignée et comment s’en déprendre, Printemps-été 2018
EAN13
9782897593629
Éditeur
Atelier 10
Date de publication
Collection
Nouveau Projet
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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La toile d’araignée et comment s’en déprendre

Printemps-été 2018

Atelier 10

Nouveau Projet

Livre numérique

  • La toile d’araignée et comment s’en déprendre

    Aide EAN13 : 9782897593629
    • Fichier PDF, avec Marquage en filigrane
    1.99
La réalité. Elle est partout. Dès le réveil, elle nous écrase de tout son
poids. Elle nous enveloppe, nous englue et nous impose ses innombrables règles
saugrenues: —Tu obéiras à la force gravitationnelle. —Tu subiras les effets du
temps. —Tu dormiras une fois par jour. —Tu mangeras plusieurs fois par jour.
—Tu respireras chaque seconde. —Tu devras t’acheter de nouveaux souliers
régulièrement (cette règle est moins claire, mais il faut tout de même s’y
plier). C’est une chose terrible que de se savoir soumis à autant de
contraintes. Lorsqu’on se rend compte que tout cela mène inexorablement à
notre mort, ça devient carrément tragique. La réalité, c’est à la fois la
toile d’araignée qui nous tient captifs et la grosse créature poilue qui va
finir par tous nous manger. Comprenez-moi bien. J’aime la réalité. Je l’adore,
même. L’odeur du café. Faire l’amour. Croiser un porc-épic dans la forêt. La
réalité, c’est super. J’ai même plutôt l’impression que sans elle, je ne
serais nulle part. Mais il y a une partie de moi qui est assoiffée de liberté
et qui n’a pas du tout envie de se soumettre docilement au despotisme du réel.
N’y aurait-il pas autre chose que la réalité? Je pense que oui. Je suis
quelqu’un qui a la lune facile et il m’arrive régulièrement de m’évaporer de
l’intérieur. Bien que ces rêveries quotidiennes n’arrivent pas toujours à un
moment opportun, je pense qu’elles sont essentielles à ma survie. Elles me
donnent une pause, comme si mon âme quittait la triviale tangibilité du monde
pour aller prendre un bain. En fait, non, c’est plus que ça. Ces moments
d’absence me permettent de tremper le bout de mes orteils dans le grandiose et
l’infini. J’en reviens avec la certitude qu’il y a bel et bien quelque chose
au-delà de la réalité. Il existe un monde, mes amis, où tout est possible. Un
monde de pure liberté où la force gravitationnelle n’a aucune emprise. Un
monde où personne n’a besoin de s’acheter de nouveaux souliers. Pour s’y
rendre, nul besoin de se déplacer; ce n’est pas un endroit, c’est une manière
d’être. Je parle ici de l’irréalité. C’est la clé qui nous libère de la prison
du réel. S’ouvrir à l’irréalité nous rend plus vastes, plus lumineux et nous
soulage de l’apparente gravité du monde. Comme l’a si joliment écrit Gaston
Bachelard: «La vie réelle se porte mieux si on lui donne ses justes vacances
d’irréalité.»
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