Les frères sisters

Patrick deWitt

Actes Sud

  • Conseillé par
    27 septembre 2012

    «Nous sommes du même sang mais nous n’en faisons pas le même usage.»

    J’avais adoré les frères loufoques «Homer et Langley», de E.L . Doctorow, paru également chez Actes Sud. Sorte de conte philosophique à la «Candide» de Voltaire dont je ne me lasserai pas de conseiller la lecture jubilatoire.
    Aucun rapport avec ce livre, sauf une histoire de deux frères.
    Bon, passons...

    Là nous voilà partis dans une aventure du grand mythique Far West.
    Sorte de roman-western toqué d’absurde où se mélangent, se confondent, se chevauchent le comique et le tragique.
    Sorte de picaresque chevauchée effrénée où le lecteur galope (du coq à l’âne) de courts chapitres en courts chapitres, au gré, à la merci des rencontres que s’amuse à nous proposer l’auteur Patrick DeWitt.
    DeWitt, cela se sent à la lecture, a bien dû s’amuser à l’écrire.
    Le lecteur, cela se sent à l’écriture, s’amusera à le lire.
    Bon, passons...

    1851, nous suivons les frères Sisters, Eli et Charlie Sisters en Californie.
    Deux frères déjà légendaires dans l’ouest américain.
    Deux tueurs à gage : stupides et cruels mais...si attachants !
    Eli et Charlie ne sont jamais du même avis.
    Toujours à se contredire, à se chamailler...comme deux gamins.
    Laurel et Hardy au Far West, le film.
    Sorte de Don Quichotte sous acide «Orange Mécanique», fumant comme un «Pulp Fiction», ardent de braises à la McCarthy.
    C’est possible ça ?
    Humour noir, cadavres pas toujours exquis, dialogues insensés...
    Recherche de l’amour, de la Mère éternelle...pour les adeptes du «freudisme» (si, si, ça existe, croyez-moi, j’en ai vus de mes propres yeux). La maison-mère, à l’abri de tous les dangers et de toutes les horreurs de l’existence. «Ses cheveux, son visage et son cou sentaient le sommeil et le savon."
    La mère qui console...qui absout...
    Bon, passons...

    Les frères Sisters donc.
    Eli franc du mot, Charlie franc de la gâchette (qui abat «nonchalamment» ses victimes...parfois innocentes).
    Eli se pose beaucoup, beaucoup de questions.
    Charlie l’aîné, beaucoup, beaucoup moins.
    C’est Elie qui nous raconte l’histoire.

    Deux sanguinaires tueurs à gage, dis-je.
    Sur odre du mystérieux «Commodore», nos deux frangins doivent traquer Hermann Kermit Warm, un chercheur d’or.
    «Qu’est-ce qu’il a fait, ce Hermann Warm ?
    - Il a pris quelque chose au Commodore.
    - Qu’est-ce qu’il a pris ?
    - Nous le saurons bientôt. Avant tout, il faut le tuer.»

    Et nous voilà en selle pour la chevauchée fantastique.
    Sur le chemin, nous allons rencontrer, en vrac : un ex cowboy improvisé dentiste, un homme qui pleure tout le temps, une sorte de sorcière, un indien mort, un serveur de restaurant philosophe, une brosse à dents révolutionnaire, des trappeurs déguisés en ours, une ourse rousse, un dandy «épistolaire» trop précieux, une «énaurme» fille de joie, un cheval borgne, une rivière illuminée, des castors qui roulent sur l’or, de l’or qui rend aveugle et j’en passe et des plus farfelues...
    Et tous ces personnages improbables de parler un langage précieux digne d’un salon de l’Hôtel de Sully en plein XVIIIe.
    Mais où va t-on ?

    Né en 1975 sur l'île de Vancouver, Patrick deWitt vit actuellement à Portland, Oregon.
    «Les Frères Sisters» a figuré dans la dernière sélection du Man Booker Prize 2012, la plus haute distinction littéraire aux États-Unis et a remporté le prix littéraire du Gouverneur général, le prix de l’Association des auteurs canadiens et a été élu meilleur livre de l’année par le Publishers Weekly.

    Bref, un livre attrayant, repoussant, inquiétant, émouvant.
    Comme une impression d’irréalité...

    «Croire en une source diabolique supernaturelle n’est pas nécessaire ; les hommes sont capables de toutes ces méchancetés par eux-mêmes.» Joseph Conrad

    Bon passons et bonnes lectures...et comme dit si bien Eli Sisters : «Jamais je ne serai un meneur d’hommes, et je n’ai aucune envie de l’être ; mais ne souhaite pas non plus être mené. je veux rester maître de moi-même.»