De la torture

Dans le monde antique gréco-romain, la torture était réservée aux esclaves, outil de terreur pour prévenir les révoltes serviles. Les codes justinien et théodosien l’étendirent aux citoyens des basses couches sociales (« Torturer à l’antique », Ed. Belles Lettres).
A la fin de l’empire romain, elle disparut de l’arsenal pénal, mais pour y être remplacée par l’ordalie. Toutefois, au Moyen Âge, cette dernière finit par paraître par trop irrationnelle et sous la pression de l’Église la torture réapparut sous des formes codifiées. Saint-Louis abolit l’ordalie... et légalisa la torture dans les procédures judiciaires (« Crimes et châtiments au Moyen Âge » de Valérie Toureille, Ed. Seuil). Elle était alors infligée par des professionnels de la douleur, les bourreaux («Les bourreaux en France » de Frédéric Armand, Ed. Perrin et « Les (fausses) mémoires des Sanson », Ed. Jérôme Millon).
Au XVIIIe siècle, son usage est de plus en plus vivement critiqué par les philosophes. Un jeune italien de vingt-six ans, Cesare Beccaria, écrit un livre qui fera date dans l’histoire du droit , « des délits et des peines » (Ed. Garnier Flammarion), dans lequel il justifie l’exclusion de la torture du droit pénal. Paradoxalement, c’est un philosophe utilitariste, Jérémy Bentham, qui lui apporte la contradiction dans « De la torture » (Ed. Allia), en utilisant un argument qui fera florès, la nécessité. N’est-il pas juste de torturer un homme si cela peut en sauver dix ? Malgré tout, la torture sort progressivement du droit des pays occidentaux. Louis XVI l’abolit en 1788... Fin de la torture ? Oui, pour les hommes libres mais pas pour les esclaves ! Toujours la terreur pour empêcher les révoltes.
Aux XXe et XXIe siècles, les totalitarismes et les dictatures l’emploient sans aucune restriction (« Mon grain de sable » de Luciano Bolis, Ed. 10/18, « L’aveu » d’Artur London, Ed. Folio). Rappelons qu’en 1974, l’Espagne franquiste exécutait encore par strangulation. Même dans les pays démocratiques, elle perdure, ainsi dans la prison de Long Kesh, à la fin des années 70, les prisonniers de l’IRA étaient torturés plusieurs fois par semaine (On pourra lire à ce sujet le livre « On the brinks » de Sam Millar, Ed. Seuil). En Allemagne, plusieurs membres de la bande à Baader auraient été soumis aux privations sensorielles.
Si en France, la torture disparaît après la guerre, il n’en est pas de même dans son empire colonial où elle est courante. Son usage atteint son apogée en Algérie (« La question » d’Henri Alleg et « Torture dans la république » de Pierre Vidal-Naquet, Ed. de Minuit) et elle est même réintroduite dans la métropole ! Les militaires français théoriseront la guerre contre-révolutionnaire et ce « savoir » sera repris notamment par la CIA (« Kubark », Ed. Zones). La France participe au plan Condor en Amérique du Sud, plan qui unifie toutes les dictatures du continent dans leur lutte contre leurs opposants. Là encore, l’usage de la « question » est systématique.
Après les attentats du 11 septembre, l’Amérique ébranlée ressort l’argument de la nécessité, la fameuse bombe à retardement. Comme Bentham au XVIIIe siècle, des avocats, des juristes justifient à nouveau la torture, des séries TV la popularisent notamment 24h Chrono. Elle est à nouveau infligée à grande échelle, souvent en l’extra-territorialisant. Des États, comme la Grande-Bretagne, ont même été jusqu’à remettre certains de leurs ressortissants à la CIA afin qu’ils puissent être soumis aux sévices. Parce qu’il faut lui tordre le cou une fois pour toute, Michel Terestchenko démontre l’inanité de cette idée dans « Du bon usage de la torture » (Ed. la Découverte).
Alors, si rien ne la justifie, pourquoi la torture continue-t-elle, même dans des États dits démocratiques ? Serge Portelli, après avoir brossé un historique des liens entre la torture et le droit, répond et recherche les ressorts de cette pratique infamante dans « Pourquoi la torture » (Ed. Vrin).
Restent les conséquences pour les victimes. La psychothérapeute Françoise Sironi dirige un centre de soins aux victimes et son livre « Bourreaux et victimes, psychologie de la torture » (Ed. Odile Jacob) expose les dégâts profonds qui subsistent bien longtemps après la souffrance physique. Une phrase de son livre nous servira de conclusion : « Ce n’est pas pour faire parler que l’on torture mais pour faire taire.»

Supplices, peines et châtiments en Grèce et à Rome

Les Belles Lettres

15,00

Amputer, bastonner, décapiter, ébouillanter, lapider, scier: les punitions infligées dans l'Antiquité sont parfois (lugubrement) banales, mais les Grecs et les Romains ont aussi su faire preuve d'une grande ingéniosité. Phalaris, tyran de Sicile, fait rôtir ses victimes dans un taureau de bronze qui transforme les hurlements des malheureux en mugissements désespérés; le Romain Védius Pollion se sert de ses esclaves maladroits comme d'un pâture pour son vivier de murènes. Quant aux coupables d'adultère, punis à l'aide d'un raifort, d'un poisson ou bien exhibés sur un âne, ils pâtissent de l'imagination des Anciens. Les châtiments divins sont plus extraordinaires encore: Marsyas est écorché vif par Apollon et Érysichthon, frappé d'une faim insatiable, en est réduit à dévorer ses propres membres.
C'est en une visite guidée de ce petit musée des horreurs que consiste ce livre, à travers plus d'une centaine de textes en traduction, sans négliger cependant d'explorer, derrière d'effrayantes anecdotes, les ressorts profonds qui expliquent la violence de la répression: en somme, pourquoi sévir?

Guillaume Flamerie de Lachapelle est maître de conférences de langue et littératures latines à l'Université de Bordeaux 3. Il est l'auteur d'une traduction des Sentences du mimographe Publilius Syrus (Paris, 2011) et d'une monographie intitulée Clementia. Recherches sur l'idée de clémence à Rome, du début du Ier siècle a.C. à la mort d'Auguste (Bordeaux, 2011).


Dans l'engrenage du procès de Prague

Folio

13,10

Vice-ministre des Affaires étrangères de Tchécoslovaquie depuis 1949, Artur London est arrêté en janvier 1951, en même temps que le ministre Clementis, et jugé dans le procès dit du «centre de conspiration contre l'État dirigé par Slansky». Condamné aux travaux forcés à perpétuité, réhabilité en 1956, il est, avec V. Hajdu et E. Löbl, un des trois rescapés des seize coaccusés du procès de Prague, qui rappelle à tous égards les procès de Moscou.L'Aveu est le récit du mécanisme impitoyable qui broya les meilleurs militants du mouvement révolutionnaire dans l'engrenage au jour le jour de l'auto-accusation : un «Huis clos» stalinien au pays même de Kafka.


21,50

De fait, le spectaculaire récit autobiographique de Sam Millar a tout d'un thriller. À ceci près que si on lisait pareilles choses dans un roman, on les trouverait bien peu crédibles.
Catholique, Millar combat avec l'IRA et se retrouve à Long Kesh, la prison d'Irlande du Nord où les Anglais brutalisent leurs prisonniers. Indomptable, il survit sans trahir les siens: voilà pour la partie la plus noire, écrite avec fureur et un humour constant.
Réfugié aux états-Unis après sa libération, il conçoit ce qui deviendra le 5e casse le plus important de l'histoire américaine. La manière dont il dévalise le dépôt de la Brinks à Rochester, avec un copain irlandais, des flingues en plastique et une fourgonnette pourrie, est à ne pas croire. Même Dortmunder, dans un roman de Westlake, s'y prendrait mieux. Il n'empêche, le butin dépasse les 7 millions de dollars!
Un procès et une condamnation plus tard, il retrouve la liberté, mais entretemps, la plus grande partie de l'argent a disparu. Millar semble avoir été roulé par ses complices... Saura-t-on jamais la vérité?
En tout cas, le FBI cherche toujours!
Né à Belfast en 1958, Sam Millar a fait de la prison en Irlande du Nord comme activiste politique, et aux États-Unis comme droit commun. De retour à Belfast où il vit toujours, il est devenu écrivain. Après deux romans, Poussière tu seras et Redemption Factory, et le best-seller international On the Brinks, il a commencé la série policière Karl Kane, à paraître au Seuil.
Traduit de l'anglais (Irlande) par Patrick Raynal



Psychologie de la torture

Odile Jacob

26,90

??Pour lutter contre la torture, la dénonciation des violences infligées ne suffit pas. Il faut aider les survivants à retrouver une vie "normale". Cela suppose, comme le montre Françoise Sironi, de pénétrer dans le monde mental des tortionnaires. Comment influence-t-on quelqu'un au point de le pousser à avouer, à révéler des informations, à trahir ? La violence physique n'explique pas tout. Quels sont donc les mécanismes psychologiques mis en oeuvre par les tortionnaires ? Surtout, comment fabrique-t-on des bourreaux, comment place-t-on certaines personnes en position d'exercer de telles pressions ?
Françoise Sironi est maître de conférences en psychologie clinique et en psychopathologie à l'université Paris-VIII. Elle a cofondé le Centre Primo-Levi, spécialisé dans le soin des victimes de torture et de violences collectives. Elle est directrice du Centre d'ethnopsychiatrie Georges- Devereux, à l'université Paris-VIII.