Mercredi Addams, Icône gothique
EAN13
9782390700890
Éditeur
Les Impressions nouvelles
Date de publication
Collection
LA FABRIQUE DES HEROS
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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Mercredi Addams

Icône gothique

Les Impressions nouvelles

La Fabrique Des Heros

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782390700890
    • Fichier EPUB, avec Marquage en filigrane
    7.99

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Depuis quelques temps, impossible de scroller sur les réseaux sociaux sans
voir des adolescent.e.s blafard.e.s reproduire méticuleusement la « Wednesday
Dance ». Ces pas de danse désarticulés, réalisés sur une musique de Lady Gaga,
imitent à l’identique ceux du personnage-phénomène du moment, Mercredi Addams.
Cette dernière, jouée par Jenna Ortega, tient le rôle-titre d’une série
Netflix, Mercredi, produite par Tim Burton et réalisée conjointement avec
James Marshall. La Génération Z s’est soudainement prise de passion pour
Mercredi Friday Addams, découverte pour beaucoup grâce à cette série qui a
explosé tous les records en cumulant plus de 50 millions de vue en seulement 1
semaine. Le succès du personnage n’est pas uniquement lié au caractère viral
de la danse. Si le titre propose, comme d’autres produits Netflix (Les
Nouvelles aventures de Sabrina 2018-2020 ou Destin : la saga Winx 2021-2022)
de mettre en scène une adolescente scolarisée dans un pensionnat magique, il
parle tout particulièrement aux jeunes en se faisant l’écho des questions de
justice sociale qui les traversent. En effet, Mercredi est non seulement
latino, donnant de la représentativité à une communauté souvent cantonnée à
des rôles cinématographiques stéréotypés, mais elle se fait aussi l’étendard
d’une déconstruction généralisée des oppressions systémiques qui gangrènent la
société. Ainsi, elle ne rechigne pas devant l’idée de déboulonner des statues,
afin de dénoncer les fondements racistes et génocidaires de la culture
américaine, ou de faire flamber le patriarcat au travers de la critique du
male gaze, qui sexualise le corps des femmes. Si cette Mercredi adolescente
est un personnage progressiste, « woke », elle n’est pas, comme on pourrait le
croire, un pur produit de notre société contemporaine et le personnage est
même bientôt centenaire. Sa première apparition, sous les traits d’une
fillette à tresses dessinée par Charles Addams, date de 1938. À cet égard,
l’ouvrage diachronique, provisoirement intitulé Mercredi Addams. Icône
gothique, propose de revenir sur le phénomène Mercredi Addams en retraçant
aussi bien ses origines, que son rôle d’anti-héroïne à travers le temps et de
porte-voix contemporain. En suivant le fil des nombreuses séries, dessins
animés, films en prises de vues réelles ou d’animation qui mettent en scène
Mercredi, l’essai se propose d’éclairer la manière dont elle a non seulement
pris le pas sur les autres membres de sa famille au fil du temps, mais a aussi
été, dès les années 1990, perçue comme un personnage disruptif. À ses débuts,
dans les dessins que Charles Addams publie dans le New Yorker, Mercredi n’est
pas autonomisée de la cellule familiale. Ses apparitions sont conditionnées
par la présence de son père, Gomez, ou de sa mère, Morticia, qui partagent un
moment tendre avec elle (lecture d’une histoire, spectacle d’ombres,
balançoire). Ces scènes de genre, qui montrent l’affection et l’amour que
portent les parents à leur progéniture, soulignent chaque fois le décalage
entre l’amour filial témoigné et le monde sombre dans lequel évoluent les
personnages. Mercredi partage souvent la scène avec Pugsley, son frère aîné,
et c’est d’ailleurs lui qui réalise toutes les farces dangereuses. La fillette
est plutôt cantonnée à des scènes de rêverie ou à des crises de colère,
éloignées du personnage stoïque que l’on se figure aujourd’hui. La sitcom La
Famille Addams, créée par David Levy en 1964, donne elle-aussi une place
moindre à Mercredi, puisqu’elle se concentre surtout sur les personnages
adultes. Elle construit certains tropes qui deviendront récurrents, comme
celui des animaux sauvages (pieuvre, araignée, lion) ou l’existence d’une
poupée décapitée, Marie Antoinette. Il faut attendre les années 1990 et deux
adaptations de Barry Sonnenfeld en 1991 et 1993, ainsi qu’un dessin animé en
21 épisodes en 1992, pour que le personnage de Mercredi évolue
considérablement. Elle n’est à présent plus une fillette de 6 ans comme dans
les premiers modèles, mais une pré-ado glaciale. C’est ce modèle-type qui
prendra le pas sur tous les autres : Mercredi est une enfant froide, qui ne
sourit jamais, dotée d’une déstabilisante maturité. Si son occupation préférée
reste de torturer Pugsley, elle se démarque des autres personnages par son
intelligence froide et calculatrice. Elle apparaît plus maligne que ses aînés,
capable de démasquer les faux-semblants d’une veuve noire, ou les mensonges
des adultes concernant la tradition de Thanksgiving. La série de films
participe à la stabilisation du personnage. Mercredi est désormais un
protagoniste incontournable du genre gothic suburbia, très apprécié de Tim
Burton (Edward aux mains d’argent, 1990), qui décrit l’anxiété générée par la
standardisation du mode de vie américain et ses quartiers résidentiels
aseptisés. Dans le film d’animation de 2019, par exemple, Mercredi dénonce
l’assimilation forcée (et non l’inclusion) dont font l’objet les habitants de
la ville d’Assimilation. Elle se présente chaque fois comme un personnage en
apparence inadapté à la vie en communauté, mais qui en comprend en réalité
mieux les rouages que les adultes. Sa froideur, son intelligence et son
absence d’empathie en font aussi un personnage représentatif de la
neurodiversité puisque, comme le suggère la mini-série non officielle de
Melissa Hunter, Adult Wednesday Addams (2013), le décalage de Mercredi
proviendrait de traits autistiques, qui lui font percevoir le monde autrement
que ses pairs. De fait, depuis les années 1990, Mercredi apparaît comme un
puissant personnage disruptif. Elle n’est pas seulement une icône de la
culture gothique, au même titre que Morticia, Edward aux mains d’argent ou
Dracula. Par son caractère transhistorique, vivant dans une bulle victorienne
mais au diapason de son monde contemporain, elle interroge les fondements
historiques erronés sur lesquels sont construites les sociétés occidentales,
questionne l’uniformisation des modes de vie américain, renverse les
conceptions sociétales en offrant un regard sans concession sur le quotidien.
Si elle s’est autonomisée de sa famille au fil du temps, au point que la série
Netflix suppose que les relations avec ses parents sont compliquées, elle
n’est pas non plus isolée dans l’univers des personnages de fiction.
L’évolution de Mercredi se comprend mieux en observant l’influence qu’ont pu
avoir sur elle d’autres personnages comme la Wicca Sabrina Spellman, la
délurée Harley Quinn et la Grunge Daria Morgendorffer, trouvant ainsi sa place
parmi certaines figures féministes décalées de nos imaginaires populaires.
Fleur Hopkins-Loféron est actuellement postdoctorante CNRS, au sein du
laboratoire THALIM. Dans ce cadre, elle explore la diffusion du fakirisme dans
les arts du spectacle et dans la culture médiatique française du début du XXe
siècle (à paraître aux PUF, coll. « Perspectives critiques »). Elle a consacré
sa thèse de doctorat (Prix SHS PSL 2020, à paraître chez Champ Vallon, coll. «
Détours ») et de nombreux articles au mouvement méconnu du merveilleux-
scientifique français et, dans le cadre d’une résidence de deux ans en tant
que chercheure associée à la BnF, a été commissaire de l’exposition « Le
Merveilleux- scientifique. Une science-fiction à la française » en 2019. Ses
travaux les plus récents portent sur les illustrés jeunesse et les récits sous
images du début du XXe siècle, sur le roman animaliste, ainsi que sur
l’occultisme dans le roman populaire. Parmi ses autres activités, elle dirige
la collection « Fantascope » chez l’Arbre Vengeur, consacrée à la réédition de
romans d’imagination scientifique français. Elle écrit aussi régulièrement des
chroniques cinéma pour la revue La Septième Obsession et conseille
scientifiquement l’émission Le Dessous des images sur Arte.
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