La souveraineté du bien

« On dit parfois, avec irritation ou avec un brin de satisfaction, que la
philosophie ne fait aucun progrès. C’est certainement vrai, mais je pense que
le fait que la philosophie doit toujours, en un sens, s’efforcer de reprendre
les choses à la base n’est pas un accident regrettable, mais un trait qui
appartient à la structure de la discipline. Or l’entreprise n’est pas des plus
faciles. Il y a en philosophie un double mouvement : l’un qui progresse vers
la construction de théories élaborées, et un autre qui revient sans cesse à la
considération de faits simples et évidents. Par exemple, McTaggart déclare que
le temps n’existe pas, et Moore lui répond qu’il vient de prendre son petit-
déjeuner. Philosopher requiert l’un et l’autre mouvement. » La souveraineté du
bien fait partie des quelques écrits philosophiques de la grande écrivain
(écrivaine?) irlandaise Iris Murdoch, qui s'est ensuite tourné définitivement
et radicalement vers la littérature. Le livre dit déjà l'importance de la
littérature et de l'art si on veut comprendre quelque chose au monde qui nous
entoure et exprime aussi une certaine défiance respectueuse à l'égard de la
philosophie pure, dont elle fit l'expérience auprès du plus étrange et plus
grand philosophe du 20e siècle, Ludwig Wittgenstein, qui lui aura sans doute
communiqué sa propre défiance et son propre respect à l'égard d'une pensée
sans 'chaire'. Le livre porte sur la philosophie morale et les grands concepts
qu'elle met en scène (Bien, Amour, Honnêté, Authenticité, Humilité (voir la
fin du texte dans les documents attachés...) et insiste sur l'impossibilité
d'une science rigoureuse à parvenir à les cerner. TOUJOURS, ils échappent et
trouvent refuge dans le langage et la littérature pour acquérir leur sens
plein. Au coeur de ce dispositif : l'Amour, que la philosophie du 21e siècle a
relégué un peu hâtivement dans les breloques du romantisme ou d'un platonisme
dont on aura perdu le sens, et qui prend chez Murdoch une dimension 'mystique'
(mais d'un mysticisme sans religion - du pur Wittgenstein, en somme!) Ce livre
a récemment été intégré dans les programmes d'enseignement de la philosophie
des classes terminales et des extraits sont donnés dans la plupart des manuels
destinés aux lycées. Occasion de redécouvrir cette œuvre strictement
philosophique qui dit aux apprenti(e)s philosophes: "Allez voir ailleurs si
j'y suis" et de 'former la jeunesse'... Née en Irlande, ancienne élève de
Wittgenstein, Iris Murdoch (1919-1999) a enseigné la philosophie à Oxford de
1948 à 1963. Elle s’est ensuite principalement consacrée à une œuvre
romanesque et théâtrale, aujourd’hui reconnue internationalement. Toute son
œuvre littéraire est publiée chez Gallimard.