21, rue de la Pente-Rapide
EAN13
9782876234390
Éditeur
Michel de Maule
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
S'identifier

21, rue de la Pente-Rapide

Michel de Maule

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782876234390
    • Fichier PDF, avec DRM Adobe
      Copier/Coller

      Impossible

      Partage

      6 appareils

    8.40
**Extrait**


On a beau faire, on a beau dire, l 'age rattrape toujours l'homme qui court.
J'avais entendu ça bien des annees auparavant au retour d'un tournage
catastrophique. L'une de ces journees ou la production se desole et le
realisateur s'exaspere en pure perte. Nous revenions a Paris dans la voiture
d'un technicien, il pleuvait, Andre avait soixante-cinq ans et j'en avais
trente de moins. Autant dire que je dus en sourire.

Il m'a rattrape tres precisement le 15 avril 1990 a 10 heures du matin sous le
Moulin de Longchamp. Je suis descendu de velo et me suis assis sur le bord du
trottoir. Il devait bien y avoir une douzaine de medecins parmi les imbeciles
qui tournaient en rond. Ce ne fut que le onzieme qui se preoccupa de mon etat.
Une heure plus tard j'etais a l'hopital. Le diagnostic fut rapide, une sorte
d'infarctus simple. Encore heureux qu'il le fut puisqu'il m'interdisait toute
activite generatrice d'anxiete, une recidive etant par avance presumee fatale.

Julie, dite Petite Souris, vint me voir a deux reprises, la premiere fois avec
des fleurs, la seconde avec des oranges dont pourtant les menus de l'hopital
n'etaient pas avares mais seule l'intention compte. Elle avait vingt ans, des
jambes interminables et faisait montre en toutes circonstances d'une betise
admirable. Je l'ai beaucoup regrettee. C'est en pelant l'une des oranges
qu'elle apprit ma decision de cardiaque certifie.

Je laissais tout tomber… Peut-etre ecrirais-je a la rigueur un scenario mais
plus question de realiser. Je m'estimais quitte avec le cinema et la
television. La pauvrette en subit un choc reel. Adieu les petits roles que ma
gratitude amoureuse lui valait. Elle ne vint plus et s'amouracha le lendemain
meme d'un producteur delegue de la SFP. C'est ce que j'appris de la bouche de
sa meilleure amie.

A partir de la je ne fus plus tout a fait le meme. Peut-etre etait-ce
seulement ce jour la que l'age me rattrapa. Pour la premiere fois je songeai
serieusement a la mort mais on ne se refait pas et la deformation
professionnelle prevalut. J'y pensais en cineaste. Avec le souci du decor… Ou
allait-on m'ensevelir, moi, pauvre juif dont les racines s'etaient envolees
avec les fumerolles d'un four crematoire ?

J'avais douze ans et j'etudiais sans enthousiasme les matieres au programme de
la quatrieme classique, latin et grec, au lycee de Digne les Bains,
departement des Basses Alpes. J'y etais inscrit sous le nom chretien et bien
français d'Albert Duval. Un matin le censeur, un corse, me fit appeler. Mon
pere, ma mere et ma soeur venaient d'etre arretes. On les avait emmenes il ne
savait ou et il s'etait, le brave homme, institue mon tuteur en sachant
parfaitement que mon nom n'etait pas Duval mais Kourski.
S'identifier pour envoyer des commentaires.