Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Flamant Noir

19,50
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10 octobre 2018

Eric Milan, ex-flic devenu détective privé à la suite d'une affaire pénible survit difficilement. Un jour, il reçoit la visite d'un client important qui le change de ses petites affaires courantes, en lui proposant de retrouver le chauffard qui a tué son fils et qu'il sait participer au Grand Cross, une épreuve de course extrême. Le retrouver puis le tuer, pour 300 000€.

Acculé, Milan accepte mais doit se remettre au sport. Neuf mois plus tard, il s'aligne sur la ligne de départ, incognito. Mais bientôt, l'homme qu'il croyait avoir reconnu comme celui qu'il cherche est retrouvé assassiné. La course et son enquête s'emballent alors.

Bien que non-sportif, j'avoue avoir été captivé par cette histoire, autant par le parcours de Milan, qui souffre pendant toutes les épreuves - chaque jour il court plus de 50 kilomètres - que par la tension qui monte autour de son enquête. En fait, les deux sont liées, étroitement. Le jour, l'effort est violent et il faut chercher la bonne personne et faire attention à ses arrières. La nuit, le sommeil vient difficilement, l'angoisse, la peur, la parano même, après le meurtre de son suspect, peut-être tiennent en éveil. "Et pour parfaire l'ambiance, des ombres s'agitent sur la toile, à n'en pas douter, celles des arbres secoués par le vent. Mais pour un esprit inquiet, le moindre craquement dans la nuit, un reflet, une lueur, le contour d'un objet, tout se transforme en menace, surtout quand on en veut à votre peau." (p.126)

Attention, polar très addictif. Si Eric Milan fait de l'endurance, moi, j'ai fait un 100 mètres, une course sans m'arrêter pour arriver au bout. À chaque page, on se pose des questions sur l’éventuel coupable, sur le rôle de tel ou tel intervenant, sur la capacité à tenir le rythme du coureur, sur l'insistance de son commanditaire. Marc S. Masse est très habile qui nous amène totalement dans le monde de la course et nous y balade. Si j'ai pu entrevoir un moment le(s) coupable(s) - mais c'est un peu normal, à force, je soupçonne tout le monde -, je n'avais pas compris les raisons.

Un polar très original dans le monde de la course extrême qui est un contexte très présent, bien décrit - enfin pour ce que j'en connais. Très grande première partie suivie d'une seconde, beaucoup plus courte, qui en étonnera plus d'un et donne une originalité supplémentaire et des coups de théâtre vraiment bien vus.

Excellent !

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10 octobre 2018

Paris, 20° arrondissement, entre deux boulevards dont celui des Maréchaux, se dresse un immeuble HLM, facilement qualifiable en tour de Babel tant les origines des habitants sont diverses. Des Français, des Maliens, des Maghrébins, un Serbe ou Bosniaque voire Croate, une Tamoule, un Sénégalais, une Russe, celle du premier à laquelle le Syrien du septième étage n'est pas insensible. Mais chaque fois, elle trouve une parade pour ne pas l'inviter.

C'est la vie dans cet immeuble vétuste que le Syrien raconte, mais aussi ses peurs et angoisses face à la situation dans son pays, d'autant plus que sa famille y réside encore.

On n'est pas dans "La vie mode d'emploi" de Georges Perec, inévitable lorsqu'on parle des habitants d'un immeuble, mais le Syrien fait le tour de tous ses voisins. Les liens qu'il entretient avec eux, ou pas, leurs particularités ethniques mais aussi physiques, leurs traits de caractère. Il raconte aussi les habitués du square pas loin, les commerçants qu'il visite régulièrement de façon tragi-comique.

Tragique parce que le Syrien ne peut s'empêcher de suivre sur les chaînes infos la guerre dans son pays, de constater que le pouvoir ne fléchira pas malgré les nombreux morts et les encore plus nombreux exilés, il est horrifié de voir que Daech détruit des sites remarquables, tue des gens qui n'ont rien demandé que de vivre paisiblement.

Comique parce que ses gentilles tentatives pour séduire sa voisine russe se heurtent à une femme décidée. Parce que certains voisins sont drôles dans leurs habitudes, que leurs dialogues sont parfois surréalistes par manque de compréhension des langages. Mais aussi tragique parce que l'immeuble abrite des gens pauvres, souvent seuls éloignés de leurs pays, de leurs familles qu'ils ne sont pas sûrs de revoir un jour. Tragique parce que leurs vies auraient pu être tout autres dans leurs pays s'ils n'étaient en guerre ou de régimes dictatoriaux ou encore pauvres qui ne peuvent plus nourrir leurs habitants obligés donc d'émigrer sous des cieux a priori plus cléments. La question du déracinement, de la solitude, de la vie loin des siens et de son pays est posée tout au long du roman, elle est centrale.

Fawaz Hussain parle assez peu de racisme tant les origines sont mélangées et la cohabitation marche bien. La solidarité même entre les résidents de l'immeuble, notamment face au bailleur qui traîne à faire les travaux. Un roman des petits moments de tous les jours, du quotidien d'un grand immeuble parisien pas vraiment de haut standing. Belle écriture qui joue avec les mots, les phrases toutes faites, les expressions. Et belle couverture signée Le Serpent à Plumes.

Denis Brillet

La Remanence

12,00
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10 octobre 2018

Quinze nouvelles composent ce recueil. Quinze nouvelles qui ont en commun l'océan Atlantique, soit directement ses eaux, soit les côtes qui le bordent et sur lesquelles on peut l'admirer.

Une seule de ces quinze nouvelles m'a paru moins pertinente, moins bonne, les quatorze autres m'ont plues. La chute parfois peut suffire à faire passer d'une histoire commune à une histoire qui marque. Mais le plus souvent, c'est l'entièreté des récits qui retient. Denis Brillet fait dans le noir, le sombre, le pas gai. Mais, parfois, l'océan est salvateur et l'espoir est là.

L'auteur décrit des personnages qui ont des rapports compliqués avec autrui, comme ce locataire d'une maison de vacances qui a hâte que son hôtesse le laisse seul : "Il n'aime pas ses yeux de fouine, ses joues poudrées, ses mains roses et plissées qui virevoltent et soulignent ses paroles de petits gestes agaçants. N'aime pas sa permanente bleutée, son collier de fausses perles, sa grosse robe en lainage vert élimée derrière, ses efforts pour paraître respectable et digne et qui ont gouverné, devine-t-il, toute son existence. N'aime pas." (p.43)

Les personnages de Denis Brillet sont des messieurs ou mesdames Toutlemonde, sans doute pas misanthropes - quoique pour certains, ils s'en approchent -, mais plutôt anthropophobes. Ils aiment vivre seuls ou dans un tout petit comité. Ils sont en proie à des peurs, des questionnements, des angoisses. L'océan leur servira de miroir ou d'interlocuteur, de sauveur. Il pourra les laver, les absoudre, les dynamiser, les attirer, ...

Les nouvelles se suivent et se ressemblent, noires je l'ai dit, réalistes. Denis Brillet est économe en moyens, en effets, va au plus direct en quelques pages sans que le lecteur ne veuille en savoir plus sur les protagonistes, car tout ce qu'il doit savoir est dit. Le reste appartient à chacun.

Très beau recueil, à ne pas forcément lire d'une traite pour les plus sensibles aux situations noires et parfois désespérées, même si l'océan est là.

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10 octobre 2018

Voilà un roman comme je les aime. Totalement ancré dans une époque historique dure et violente et dans laquelle il est parfois difficile de déterminer qui sont les bons et les méchants si tant est que l'on puisse être aussi manichéen. Les bons infiltrent les méchants et vice-versa, chacun ensuite doit donner des gages de confiance en faisant preuve de violence.

Je ne cache pas un certain bémol venant du fait d'un nombre incalculable d'intervenants, des noms difficiles à retenir, tant dans les personnages fictifs que réels, qui m'a perturbé au moins au début du livre. Puis, le pli pris, je me suis fait happer par cette histoire. Frédéric Paulin est pointilleux, méticuleux et son roman fourmille de détails, d'événements, d'informations qui peuvent submerger le lecteur tout en permettant de se plonger totalement dans la période. Sans doute un peu long parfois, ce roman se lit néanmoins avec avidité et les personnages fictifs, Tedj Benlazar en tête ajoutent une dimension romanesque, un suspense quasi insoutenable, puisqu'on s'attache à eux et que l'on veut savoir si et comment ils se sortiront de ce nid de serpents.

Pfff, je suis encore tout étourdi de ma lecture passionnante et étourdissante. Frédéric Paulin sait où nous mener et même si l'on connaît l'histoire des relations franco-algériennes à cette époque, ce que provoqueront les islamistes dans ces deux pays, il parvient à jouer avec nos nerfs. Sûrement bien documenté, il met en scène des personnages réels qui ont pu jouer des rôles obscurs, qui ont eu des relations douteuses. Tout cela passe par les yeux de ses créations et dans l'appellation de "roman" qui permet de s'évader un peu de la vérité, mais on sent qu'il maîtrise son sujet et que rien n'est dit ni mis dans la bouche d'un personnage par hasard.

Magistral, ambitieux, un polar ou roman noir d'espionnage à ne pas rater qui commence pourtant paisiblement, mais ça ne durera pas :

"Depuis la mosquée Émir-Abdelkader encore en chantier, le muezzin appelle au dhuhr, la prière de midi. Constantine s'apaise sous le soleil, les rues se vident, c'est comme si la ville reprenait son souffle. Là-bas, le Français est assis à la terrasse du petit café face à l'université Mentouri. Comme d'habitude. Il sirote un lekhchef, comme d'habitude." (p.9)

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10 octobre 2018

1943, Joseph Darnand est chef de la milice française. Son ami de la Grande Guerre, Ange Servaz a été recruté par la Résistance pour infiltrer le mouvement et retourner Darnand, l'orienter vers les troupes alliées. Mais la mission est délicate, probablement vouée à l'échec avant même de débuter tant Darnand est fidèle à ses principes et ses idées.

Aussi bon que le premier ce deuxième tome de l'histoire de Joseph Darnand, homme qui ne recule devant aucune atrocité pour faire gagner ses idées, ses convictions, il n'est pas facile à approcher.

Dessins et scénario sont à la hauteur de l'ambition de ce triptyque : classiques, violents, forts. Une belle réussite que je vous recommande. Le tome 3 devrait sortir en tout début d'année prochaine, et même si l'on connaît la fin de l'histoire (ce n'est pas une divulgation que de dire que Darnand sera fusillé en 1945), la tension monte et l'ouvrage fonctionne comme un thriller ou un polar de la meilleure veine.

À lire et faire lire pour saisir comment la haine peut amener aux pires des atrocités et comme témoignage de ce que fut cette période.