Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Kishwar DESAI

Editions de l'Aube

Conseillé par
8 mars 2015

Les deux tomes précédents mettant en scène Simran Singh s'intitulent Témoin de la nuit et Les origines de l'amour, mais point n'est besoin de les avoir lus pour comprendre celui-ci et suivre avec intérêt cette enquête, la preuve, je ne les ai pas lus.

Simran Singh est une femme qui a passé la quarantaine, elle vit seule avec Durga qu'elle a adoptée suite à l'une de ses précédentes enquêtes. L'intrigue présente est très ancrée dans l'Inde contemporaine. Elle mélange fiction et réalité : vous vous souvenez sans doute de cette jeune étudiante indienne agressée et violée par six hommes dans un bus (en décembre 2012, cf, l'article de Wikipedia), Kishwar Desai en parle pour dénoncer la violence extrême à laquelle sont confrontés les Indiennes et ceux qui tentent de les secourir -certains hommes qui ont tenté de les aider se sont fait tuer par les violeurs.

L'action de son roman se déroule au même moment. "L'état de la jeune femme que six hommes ivres avaient sauvagement violée dans un bus en marche s'aggravait. On en savait maintenant un peu plus sur ce qui lui était arrivé. A l'aide d'une barre de fer, l'un des violeurs avait perforé ses organes reproducteurs puis arraché ses intestins à mains nues. Au cours des nombreuses opérations qu'elle avait subies, les chirurgiens n'avaient réussi à sauver que cinq pour cent de ses intestins." (p.105)

Kishwar Desai place son histoire à Goa, ancienne destination hippie pour Occidentaux en recherche d'un autre style de vie, devenue la région la plus violente de l'Inde dans laquelle la drogue circule librement et le viol est devenu presque courant : "Un ministre craignait par exemple que Goa devienne la capitale mondiale du viol. Un autre membre du Parlement déclarait qu'en trois ans, un étranger était mort presque chaque semaine dans cet État." (p.106). Et ça fait peur, les touristes sont embêtés et lorsque ce sont des femmes seules, elles peuvent être harcelées, photographiées à leur insu, photographies qui se retrouveront sur des sites Internet, ...

L'héroïne de Kishwar Desai est une femme seule, fonceuse qui ne se soucie pas vraiment des conséquences de ses actes ou des questions qu'elle pose. Ce n'est pas une enquêtrice professionnelle, elle manque de finesse et de recul. C'est évidemment ce qui fait tout son charme, elle est loin des codes des flics ou privés : elle va droit au but, se pose de multiples questions sur les personnes qu'elle rencontre et qui l'aident : sont-elles des alliées, des ennemies ? Et le lecteur ne peut pas l'aider puisqu'il n'en sait pas plus qu'elle et qu'il a exactement les mêmes interrogations.

A part quelques petites longueurs dans ces questionnements qui reviennent un peu trop souvent, le roman se suit avec plaisir et envie de connaître le fin mot de l'histoire. Simran Singh est attachante, sa naïveté et son enthousiasme en font une enquêtrice hors norme, originale. Le contexte est fort, la place des femmes dans la société indienne, la violence du pays, la corruption des élites politiques, l'attrait de l'argent facile, l'opposition entre la modernité des grandes villes et des zones touristiques et les régions rurales qui sont très traditionalistes. Une très belle découverte que cette auteure qui, par le biais du divertissement d'un roman policier ne mâche pas ses mots et met l'accent sur ce qui ne tourne pas rond en Inde, tout en restant finalement assez positive ; le roman peut être dur, mais la personnalité de l'héroïne et l'ambiance finale nous laissent sur des notes encourageantes.

20,00
Conseillé par
8 mars 2015

Le début de ce roman est une pure merveille, l'écriture, les personnages, tout me plait. Les déambulations à Saint-Malo, les vols de voiture, la jalousie du Petit par rapport à la Fille, les préparatifs pour la traversée et même les débuts en bateau. C'est là où ça se gâte un peu pour moi : le langage devient technique, entre le noms des voiles, la manière de les manipuler, les techniques de voile, les instruments de bord, je me perds... je n'y connais rien à la voile, ça ne m'intéresse pas et je n'ai pas de dictionnaire de marine sous la main. Ça gâche mon plaisir de ne pas tout comprendre ce que je lis.

Ces réserves passées, ce bouquin est excellent. La force en est son écriture qui par petites touches raconte l'histoire des garçons, le lien indéfectible qui les lie. Elle sert aussi les relations entre les personnages, la jalousie, le désir du Petit pour la Fille, l'abattement qui gagne les trois à tour de rôle, le découragement, la promiscuité qui n'aide pas à bâtir de saines relations surtout lorsqu'une fille est au milieu de deux garçons. Le huis-clos est saisissant, cruel et lourd, chacun devra puiser dans ses réserves pour essayer de s'en sortir. L'atmosphère est pesante, parfois plus légère. Chacun des trois rêve d'un avenir lumineux, pas extraordinaire, pas de rêves de célébrité comme les jeunes abreuvés de conneries télévisuelles, juste une vie simple et sans embrouille.

L'amour, la mort, l'amitié, le sens donner à sa vie sont des thèmes éternels, si ce n'est les thèmes essentiels de toute la littérature, le cinéma et autre art ou même de toute vie tout simplement. Lorsqu'un auteur sait les mettre en mots et les incarner dans des personnages complexes et forts, ça donne un excellent roman comme celui-ci.

Conseillé par
8 mars 2015

Court roman d'à peine 100 pages qui commence très bien, une belle écriture, qui emprunte au langage maritime, mais plus largement à un registre courant. Phrases courtes, un peu de dialogue, mais sans tirets ni guillemets, Vincent Almendros se permet même de reproduire les fautes de français de Lone qui ne maîtrise pas totalement notre langue. Tout cela est bien vu et franchement agréable. C'est ce qu'il me restera de cette lecture, qui pour le reste est décevante. J'aime les courts romans lorsque justement dans leur format resserré, ils vont à l'essentiel, évitent donc le superflu et dressent néanmoins de beaux portraits et racontent une histoire. Là, on a l'histoire, la fin est construite comme une chute de nouvelle, inattendue mais pas surprenante.

Ce qui m'embête surtout, c'est qu'une fois le livre fini, ce qui arrive vite, je me suis dit "tout ça pour ça ?". Franchement, ma déception est à la hauteur de mes attentes : un roman court publié chez Minuit, ça m'excite avant même de l'avoir ouvert -bon, rassurez-vous, quand je dis ça m'excite, rien de sexuel, je ne suis pas fétichiste des livres et je ne fais rien de pervers avec eux, je me contente de les lire, de les commenter et de les ranger ensuite.

V. Almendros survole ses personnages, ne leur donne pas d'ossature, leurs relations restent peu décrites, même celles qui concernent Pierre et Jeanne. Ils sont transparents, interchangeables. Jamais je n'ai pu m'intéresser à eux, savoir s'ils étaient aimables ou détestables, comme ces vagues connaissances que l'on croise et recroise et qu'on oublie à peine sorties de notre champ visuel. Sans volonté expresse de ma part, c'est bien ce qui risque d'arriver à ce livre : vite lu, vite oublié. Pour finir et juste pour montrer que j'ai des lettres -c'est pour ne pas écrire "pour frimer"-, j'ai envie de déclamer à l'auteur : "C'est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire... Oh ! Dieu ! Bien des choses en somme."

Bablon, Jacques

Jigal

Conseillé par
8 mars 2015

Roman déjanté qui se passe en pleine campagne profonde états-unienne. Les bars louches avec filles qui se trémoussent ou musiques traditionnelles-country, les routes défoncées, les flingues dans toutes les mains, les grands espaces, ... Les voyous aussi de tous bords, les voyous gentils un peu comme le narrateur et puis les méchants, les vrais durs qui n'hésitent pas à torturer, violenter et tuer pour récupérer leur paquet de fric. Ça déménage. Jacques Bablon ne fait pas dans le léger. Pour reprendre une image du bouquin, on n'est pas accompagné de Rachmaninov, mais plutôt d'un bon vieux groupe de Bluegrass : tendez l'oreille, vous entendez les banjos, violons et guitares et même les bruits des bottes des joueurs et spectateurs qui battent la mesure rapide sur le parquet du rade local. L'histoire va vite, à peine un problème semble-t-il résolu qu'un autre surgit, c'est même sidérant de voir qu'autant de choses peuvent arriver à un mec en seulement 150 pages ! Et je vous épargne les belles rencontres féminines pas nombreuses mais marquantes.


Passons à l'écriture, elle colle parfaitement à l'histoire : un style rapide, des phrases courtes, parfois nominales, de l'argot, du langage familier, peu de dialogues, de l'humour, du détachement, de la désinvolture, un vrai style roman noir, bien poisseux, un truc qui vous colle à la peau et ne vous lâche plus comme ce livre qui, une fois ouvert, empêchera toute velléité de le quitter avant la fin. De l'efficace, du jouissif, un pur plaisir de lecteur amateur de polar ou pas -et en plus, je confesse ne point trop aimer les romans états-uniens (mais bon, celui-ci est écrit par un Français), c'est dire s'il est bon. Pour vous mettre définitivement -sans espoir de passer à côté- l'eau à la bouche, je vous cite le tout début, qui est aussi la quatrième de couverture :

"Tout a commencé quand on a retrouvé le corps de Julian McBridge au fond de l'étang que les Jones avaient fait assécher pour compter les carpes. Ils auraient plutôt eu l'idée de repeindre leur porte de grange ou de s'enfiler en buvant des Budweiser et c'était bon pour moi. McBridge n'était pas venu ici faire trempette, ça faisait deux ans déjà que je l'avais balancé là par une nuit sans lune avec un couteau de chasse planté dans le bide. 835 carpes et 1 restant de McBridge. Les Jones avaient un cadavre sur les bras, ils ont commencé à se poser les questions qui vont avec et, de fil en aiguille, les flics ont fini par me mettre la main dessus." (p.5)

David Guinard

Librinova

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1 mars 2015

Si David Guinard n'invente rien, ne fait pas dans l'originalité, il se sert des codes des détectives américains et les prend à son compte d'assez belle manière. Son David Marquan est un homme désabusé malgré son jeune âge, qui ne croit plus à l'amour et vit en quasi solitaire sauf son ami Bill, flic à la LAPD. Sensible aux charmes féminins, il préfère les aventures d'un soir à un engagement plus long. Assisté de Kelly, sa secrétaire, un rien bimbo en apparence, il mène ses enquêtes qui lui assurent une vie assez confortable. Et puis, un jour, c'est l'affaire qui va réveiller en lui ses blessures et ses limites.

David Guinard m'a contacté par le blog pour que je lise son livre numérique auto-édité : en général, je ne réponds pas, mais, bien élevé, je vais voir de quoi il retourne. Là, j'ai été intrigué par ce que je lisais sur ce bouquin, et gentiment, David Guinard m'a envoyé un exemplaire papier (avis à tous les solliciteurs, je ne lis pas en numérique !). Ma première surprise fut la grosseur de l'ouvrage : 671 pages ! Après ma lecture, je peux dire que ce polar ne souffre que de quelques longueurs, assez peu finalement compte tenu de son épaisseur, quelques pages sur une filature un peu longue, que l'on peut survoler rapidement. Ma deuxième surprise fut la qualité de l'écriture, assez stylée, pas forcément ce que l'on trouve dans les polars : "Je tentai cependant de refroidir mon empressement, connaissant ma propension à l'affabulation et à la paranoïa ; j'étais capable de m'inventer un univers qui expliquât, dans sa logique propre, les événements dont j'étais le témoin, selon toute évidence, involontaire, voire qui justifiât ma présence dans l'affaire. J'étais incorrigible." (p.113). L'auteur cherche le mot juste, pas forcément le plus courant, mais celui qui sera à la fois le plus adapté et le plus beau. Son récit au passé lui impose aussi pas mal de tournures avec le subjonctif imparfait, qui donne une impression de "littérature", d'efforts pour écrire bien. J'aime bien, ça donne un une belle allure au roman, mais parfois D. Guinard tombe dans l'excès et quelques tournures de verbes, même correctes ne sont pas très belles à lire, voire alourdissent franchement le texte ; il y aurait sûrement des manières de les contourner.

Pas mal de digressions très bien senties également, sur la politique et le cynisme des hommes qui la font, qui préfèrent aller dans le sens de l'opinion pour être élus plutôt que là où les mèneraient leurs convictions, sur la vie aux États-Unis, la société du pays qui n'aime pas que l'on ne soit pas dans la norme, sur le suicide, ... A ce dernier propos, j'aime bien la citation suivante qui parle d'une manière de se supprimer en se jetant d'un haut étage : "Le grand saut était sans doute le plus enivrant, parce qu'il s'accompagnait d'un sentiment d'extase ; avoir l'impression de voler et de goûter à une liberté absolue, qui nous était interdite tant que l'on restait accroché à la vie. Mais j'avais trop peur de me rendre compte, une fois en suspension dans l'air, que j'étais encore capable d'éprouver du bonheur dans ce monde-ci et que c'était peut-être une erreur de le quitter. Je me demandais s'il y avait quoi que ce fût de pire que le remords dans la conscience d'un suicidé." (p. 229)

Pour conclure, ce fut une belle surprise que ce polar états-unien écrit par un jeune Français, qui ne m'a pas laissé en paix jusqu'à son dénouement malgré son épaisseur. Un rien académique sans doute, David Guinard gagnera à prendre plus de libertés avec ses personnages et même avec son écriture, mais en attendant, son roman est plein de promesses. Vous voulez vous faire une idée, allez sur le site Librinova, il est en vente (peu cher) en lecture numérique.